Alors que la crise sanitaire dure et que les conséquences pour les entreprises sont de plus en plus importantes, il est temps que l’action laisse un peu de place à la réflexion, et notamment à celle qui touche la résilience organisationnelle. Un concept clé pour sortir de la crise.
Dans cet article on vous propose :
- De définir ce qu’est la résilience organisationnelle
- De découvrir ses 3 composantes principales
- D’évoquer quelques exemples d’entreprises résilientes durant la crise de la Covid-19
La Résilience organisationnelle, qu’est ce que c’est ?
Le concept de résilience, s’il est souvent utilisé à propos des individus, s’applique aussi à la médecine, à la physique des matériaux, et aux organisations. Cette transposition, nous le devons en grande partie au chercheur Karl E. Weick, professeur américain de psychologie et des sciences de l’organisation. Ce que recouvre ce concept demeure cependant sujet à débat et différentes définitions existent.
Celle développée par Yves Trousselle, Docteur en science de gestion et diplômé du MBA de l’université de Sherbrooke au Canada, dans sa thèse sur les mécanismes de la résilience organisationnelle, nous paraît cependant particulièrement pertinente et s’appuie sur la notion de performance en entreprise.
« La performance en périodes stables », écrit-il, « est affaire de calcul, de planification et de décisions froides, mais le plus souvent rationnelles. C’est plutôt le temps de l’anticipation et de la vigilance. »
Lorsque survient l’inattendu ou le choc, qui provoque une discontinuité dans le cours normal des activités, « la performance devient affaire de sens collectif et d’interactions respectueuses et chaleureuses entre les membres de l’organisation. C’est plutôt le temps de l’adaptation et de la résilience. »
La résilience organisationnelle constitue alors le processus d’ensemble qui, selon lui, « permet à l’organisation de passer dynamiquement d’une période à l’autre » le plus sereinement possible.
Les 3 composantes de la résilience organisationnelle : rebondir face aux turbulences
Le titre de ce paragraphe fait référence à l’essentiel ouvrage de Gilles Teneau et Guy Koninckx (Deboeck, 2010) qui explique si bien le concept de résilience en entreprise. Près de 10 ans avant, Lucie Bégin et Didier Chabaud se sont eux aussi intéressés à cette notion pour la définir selon trois composantes fortement imbriquées :
- La capacité d’absorption : qui permet d’encaisser le choc ou l’événement inattendu sans disparaître. Il faut savoir pour cela mobiliser les ressources disponibles en interne comme en externe. C’est elle qui permet d’assurer la continuité de service au moment du choc. Elle est toutefois fortement conditionnée à la volonté des dirigeants d’assurer cette continuité.
- La capacité de renouvellement : qui autorise une adaptation plus ou moins importante à ce choc. Après avoir résisté, l’entreprise cherche à repenser les activités existantes en expérimentant de nouvelles façons de faire, voire à développer de nouvelles activités.
- La capacité d’appropriation : qui consiste en l’apprentissage de ces différentes réactions aux chocs. C’est sans nul doute l’habileté la plus difficile à développer pour une organisation, tant elle demande recul, prise de distance et méthodologie. Autant d’éléments considérés comme un luxe que les dirigeants s’offrent rarement.
Le management au cœur du processus : des exemples d’entreprises résilientes
Vous l’aurez compris, le processus de résilience organisationnelle s’inscrit dans le cadre plus large du management des risques et peut d’ailleurs, à ce titre, s’appuyer sur la norme ISO 31000.
La question que doivent se poser dirigeants et managers dans ce cadre de la gestion des risques pourrait être la suivante : peut-on imaginer un mode de pilotage managérial, des pratiques managériales, qui permettraient non seulement de réduire les effets négatifs des crises, mais aussi d’en favoriser l’exploitation positive dans une perspective de rebond ?
Ce fut tout l’enjeu de ces derniers mois pour bon nombre d’organisations. Et certaines ont, à ce titre, su tirer leur épingle du jeu.
Car durant cette crise, la résilience organisationnelle a joué à plein poumon. Jusqu’à dépasser parfois le cadre de la simple entreprise, pour mettre en branle un secteur tout entier. Le « sens collectif » et les « interactions respectueuses et chaleureuses » ont pris tout leur sens durant ces derniers mois.
Ce fut le cas notamment au moment de produire le gel hydroalcoolique et les masques qui manquaient tant.
Dans un élan commun, nombre d’entreprises ont modifié leurs lignes de production pour fabriquer du matériel de protection :
- Au Québec, l’entreprise Cirka, distillerie artisanale située en plein cœur de Montréal, a utilisé ses outils afin de produire du désinfectant pour les mains.
- Incapable de produire des masques, des blouses ou du gel hydroalcoolique, l’entreprise Vertdure, spécialisée dans l’entretien de pelouse, a utilisé sa flotte de 300 camions pour distribuer des masques dans les hôpitaux et cliniques du territoire.
Et ces différentes conversions, adaptations, ont permis une nécessaire solidarité, qui a contribué à amoindrir les effets de la crise, elles ont aussi évité nombre de licenciements et de faillites.
En France, les exemples ne manquent pas non plus et dans toutes les régions, on compte de nombreuses entreprises qui ont su modifier leurs processus pendant cette crise majeure :
- L’entreprise normande Lemoine, spécialisée dans la fabrication de coton-tige et de disques à démaquiller, a transformé sa production pour fabriquer des écouvillons.
- À Toulouse, Applications Laser Sud-Ouest a adapté son activité de découpe laser pour fabriquer des écrans vitrés à poser sur les comptoirs des points de vente (commerces, pharmacies).
Durant le premier confinement, certaines entreprises recevant du public ont fait l’objet d’une obligation de fermeture. Restaurateurs, magasins de bricolage, ou encore librairies ont alors fait preuve de résilience en modifiant leurs méthodes de vente et mis en place livraisons gratuites et/ou retrait en magasin de commandes passées par Internet. Cela a nécessité la prise en main d’outils numériques, la mise en place d’un service de retrait, la préparation des commandes par les salariés, etc.
Autant d’exemples de résilience organisationnelle. Autant de situations, toutefois, dans lesquelles la capacité d’appropriation reste à démontrer.
En conclusion : la nécessaire capacité d’appropriation
Car si toutes ces entreprises ont montré leurs capacités d’absorption et de renouvellement, ces adaptations à marche forcée ne sont pas sans risques.
Le meilleur exemple des dommages collatéraux possibles est sans doute l’usage du télétravail. Cette pratique, aujourd’hui fortement répandue, n’est pas anodine pour l’entreprise : difficultés de communication, d’organisation dans les projets, nécessité d’adapter la politique de sécurité des données…
Proposé comme réponse immédiate, mais improvisée à une crise, le télétravail est une adaptation qui peut également s’avérer dangereuse pour les salariés : isolement social, séparation vie privée / vie professionnelle…
Pour que la résilience organisationnelle n’en oublie pas ses fondements, qui se trouvent dans la résilience individuelle, la composante « appropriation » est essentielle. Et nécessite organisation, méthode et outils. Autant d’éléments dont nous discuterons dans notre prochain article.
Découvrez la suite de votre article : la résilience d’entreprise, l’affaire de tous